Vagues côtières

J'ai entrepris un travail de modélisation des vagues côtières dans les zones de levée (shoaling zone), de surf et de jet de rive (swash zone) d'abord dans le cadre de la thèse de doctorat de Maria Kazakova à l'Institut de Mathématiques de Toulouse (Kazakova & Richard 2019) puis en collaboration avec Arnaud Duran et Benoît Fabrèges de l'Institut Camille Jordan (Richard, Duran & Fabrèges 2019).

Cet axe de recherche prolonge la thématique sur l'hydraulique à surface libre en rajoutant le phénomène de dispersion, très important pour la propagation des vagues côtières dans la zone de levée (avant déferlement) mais très délicat pour la résolution numérique. Une autre difficulté numérique typique des vagues côtières est la propagation des vagues dans la zone de jet de rive, qui est la partie de la plage alternativement découverte et recouverte par la mer. L'étude des phénomènes de jet de rive (run-up) et de jet de retour (run-down) nécessite de résoudre numériquement la propagation de vagues sur front sec.

Le modèle développé est un modèle complètement non-linéaire, à résolution de vagues, modélisant explicitement la turbulence de grande échelle. Il se distingue des modèles à phase moyennée, qui ne résolvent pas les vagues et qui décrivent généralement la propagation des vagues déferlantes à l'aide de théories linéaires. L'approche choisie intègre les non-linéarités sans aucune hypothèse de petitesse sur la non-linéarité des vagues. Elle présente donc les mêmes propriétés non-linéaires que les équations de Serre (dites aussi de Green-Naghdi), qui permettent une description supérieure aux équations faiblement non-linéaires de Boussinesq. Alors que dans les modèles de type switching, la turbulence n'est pas modélisée (les vagues déferlantes sont décrites par les équations de Saint-Venant) et que, dans les modèles à viscosité turbulente, la turbulence est entièrement modélisée par une hypothèse de viscosité turbulente, le modèle développé dans Kazakova & Richard (2019) et Richard et al. (2019) utilise les équations filtrées de simulation des grandes échelles de la turbulence (LES Large Eddy Simulation) pour les moyenner sur la profondeur. La turbulence de grande échelle est donc résolue et prise en compte explicitement par une grandeur moyennée sur la profondeur, homogène au carré d'une vorticité, et de caractère tensoriel, le tenseur enstrophie. Cette approche permet d'inclure l'anisotropie de la turbulence de grande échelle. Les situations éloignées de l'équilibre entre la production et la dissipation de turbulence sont mieux décrites, de même que la production de la vorticité verticale des grands tourbillons 2D. Seule la turbulence de petite échelle est modélisée par une hypothèse de viscosité turbulence.

La résolution numérique fait intervenir l'optimisation des propriétés dispersives des équations de Serre (Bonneton et al. 2011), la méthode à diagonale constante de Lannes & Marche (2015) et le schéma de type Galerkin Discontinu de Duran & Marche (2017).

Le recours à des critères de début et de fin déferlement est un point faible des modèles de vagues côtières. Notre approche permet de supprimer complètement tout critère de fin de déferlement et de supprimer le critère de début de déferlement pour des vagues initialement faiblement non-linéaires. Un objectif est de supprimer complètement ce critère, ce qui améliorerait considérablement le caractère prédictif du modèle.

L'animation ci-dessous présente la propagation d'une onde solitaire autour d'une île conique. Il s'agit d'une simulation numérique des expériences de Liu et al. (1995) et Briggs et al. (1995) sur la propagation d'un tsunami sur une île. La simulation numérique reproduit bien les expériences, y compris le jet de rive sur le côté abrité de l'île (plus de détails dans Richard et al. 2019).

L'animation ci-dessous est une simulation numérique des expériences de Swigler (2009) où une onde solitaire déferle sur un récif conique et une plage. La bathymétrie est complexe. La propagation inclut déferlement, jet de rive, jet de retour et formation d'un ressaut hydraulique à la fin du jet de retour. La couleur représente la valeur de la trace du tenseur enstrophie : bleu (pas d'enstrophie), rouge (forte enstrophie). Les phénomènes observés expérimentalement sont bien reproduits (pour plus de détails, voir Richard et al. 2019).